Le blog de Frida_Kahlo
L'accord qui régit le rapport entre des partenaires s'engageant dans le jeu BDSM est souvent tacite… La personne qui va se soumettre dit silencieusement à celle qui s'apprête à la dominer qu'elle lui offre sa liberté, et qu'elle le fait de son plein gré, elle va s'assujettir à lui. Il la dominera, fera d'elle ce qu'il voudra. Sans limites ? Certes non… tous deux s'en remettent au bon sens.
Souvent, un couple décidant de s'essayer au BDSM évite soigneusement toute discussion de fond sur les limites et la sécurité pour veiller à ne pas briser une magie, déjà fort fragile au demeurant.
Quant aux safewords… les partenaires qui en ont eu ouï-dire mais sont encore sans expérience dans les pratiques de domination les jugent inadaptés à leur situation, ils disent que c'est pour les pros et beaucoup de pros, justement, se targuent de ne jamais avoir « utilisé » de codes de sécurité…et disent que c'est pour les débutants.
L'erreur est double : tout d'abord es limites sont différentes pour chacun, mais surtout… on n'« utilise » pas un safeword, comme une sorte de collier que l'on sortirait pour mettre en place à chaque moment BDSM, et dont on aurait conscience en permanence. On en convient simplement, une fois pour toutes avec le partenaire, lors d'une discussion qu'il n'est pas forcément nécessaire de renouveler. À partir de là, le mot magique étant défini et établi, ce n'est qu'en cas de besoin – c'est-à-dire exceptionnellement – qu'il pourra être utilisé.
Le safeword est un signal d'urgence du BDSM qui, utilisé par la soumise, indique à son partenaire qu'il doit, immédiatement et sans discussion interrompre
l'acte en cours, et la délivrer de ses liens ou de toutes autres contraintes éventuelles aussi rapidement et prudemment que possible.
Le safeword est toujours à considérer comme appelant une réaction de la plus haute urgence, quelle que soit la situation et aussi anodine qu'elle puisse paraître aux yeux de celui qui
contrôle les événements.
Les partenaires conviennent en général d'un « mot magique » qui sera reconnu en tant que code de sécurité ou encore une codification par couleurs inspirée des feux rouges. Le
"mot magique" doit être judicieusement choisi : non usuel, en dehors du vocabulaire courant, donc sans ambigüité possible pour ne pas être prononcé par hasard mais également pas trop
complexe pour ne pas que la soumise l'oublie ou se trompe au moment où elle en a besoin.
Lorsqu'on porte un baillon, le meilleur choix semble être le « code du trousseau de clés » : le dominant qui bâillonne sa soumise lui glisse un trousseau de clé dans la
main ou n'importe quel objet susceptible de faire du bruit en tombant sur le sol. En cas de détresse (ou par réaction inhérente à un éventuel engourdissement des membres ou une perte
de conscience), celle-ci n'a qu'à lâcher l'objet, et le son de sa chute est synonyme de safeword pour appeler à la libération immédiate.
La première idée qui vient à l'esprit en songeant au safeword dans le BDSM est, naturellement, le besoin de faire cesser une douleur qui devient insupportable. Il est absolument primordial pour la personne ayant, de son plein gré, décidé de s'exposer à des tourments corporels, de conserver à disposition un moyen rapide et infaillible de les interrompre. Mais au-delà de cet aspect évident, les jeux de domination comportent de nombreuses activités pouvant entraîner des souffrances ou des risques physiques moins visibles au premier abord ( positions douloureuses, problèmes circulatoires, nausée, malaise, troubles cardiaques, pathologies respiratoires, douleurs d' « accessoires »...)
Il est, bien évidemment, impératif de ne pas céder à la panique. Parmi les causes fréquentes de recours au safeword, on trouve l'engourdissement des membres, qui est un phénomène pouvant entraîner de très dangereuses conséquences, ne serait-ce que par l'affolement qu'il génère… il faut comprendre que les zones engourdies, très vite paralysées et privées de toutes sensations, semblent totalement mortes à leur porteur, comme détachées du corps. Toutes les horreurs passent en tête dans ces moments-là, aussi est-il impératif de rassurer la compagne, tout en la débarrassant de ses entraves le plus prudemment possible.
Une soumise ne prononce pas son safeword sans raison. Les accidents physiques sont possibles, mais également des chocs sur le plan émotionnel qui, pour paraître parfois tout à fait
incompréhensibles aux yeux du partenaire, n'en sont pas moins réels. La personne qui se voit forcée d'interrompre le jeu pour une cause d'ordre psychologique – peur, panique, phobie, etc.
– sera doublement déçue, honteuse, peut-être, de « n'avoir pas été à la hauteur », ou prise d'un sentiment de ridicule injustifié… le moment n'est alors pas aux
reproches, mais à la consolation et au partage : une âme blessée se soigne avec autant d'attention – sinon plus – qu'un corps meurtri.
Dignité, honneur, orgueil et sens du devoir ne sont pas apanages du seul Maître, dans le BDSM : contrairement à ce que l'image commune pourrait
laisser croire, la fierté est immense dans la soumission.
La personne qui se fait dominer tend à catalyser et rechercher cette fierté au miroir sans tain des yeux de son partenaire : elle veut s'y voir, elle souhaite qu'il la voit…
aussi mettra-t-elle, trop fréquemment et parfois à l'excès, un point d'honneur à ne pas utiliser un safeword susceptible de lui laisser à l'esprit l'âcre sentiment de n'avoir pas
été à la hauteur.
Paradoxalement, plus celle qui se soumet éprouve d'amour et de complicité pour celui qui la domine, plus elle s'efforcera à générer ce sentiment mutuel de fierté, repoussant
déraisonnablement ses limites pour ne pas avoir à crier le mot redouté, que sur l'instant elle juge synonyme d'indigne… mais quel cadeau est-ce là, qui consiste à se mettre
inutilement en danger, à exposer l'être aimé au risque de provoquer un accident qui lui sera imputé, à placer la relation elle-même sous une terrible épée de Damoclès ?
La sécurité est la clé qui permet de s'abandonner au plaisir, et elle ne saurait supporter la coquetterie : allergies, peur du noir ou phobie des araignées, insuffisance respiratoire ou mycose embarrassante, troubles de la vue ou de l'audition, dangereux attrait pour la douleur ou simple peur panique des chatouilles… toutes les faiblesses susceptibles de créer un risque doivent être énoncées avant de s'exposer à l'irréversible.
Celui qui domine a un véritable devoir de l'après. Partager des plaisirs d'adultes ne peut se résumer à jouir, puis fermer les yeux sur les conséquences de la jouissance :
il est impératif de s'enquérir du bien-être de celle qui s'est soumise, dans les heures, les jours qui succèdent à ce moment intense passé à deux. Attendre des réponses n'est pas
suffisant ; il s'impose de poser les questions, aussi directes et indélicates puissent-elles paraître.
Que ces réponses n'arrivent pas, que la réalité se voit déguisée par la partenaire, et le dominant réitérera des activités destructrices dont il ne soupçonne pas les répercussions.
La soumise, trop à même de dissimuler des symptômes qu'elle seule connaît, détient un terrible pouvoir sur son compagnon de jeu : elle peut pousser celui-ci vers la destruction à
petit feu de celle qu'il aime, pour la satisfaction d'un dangereux instinct masochiste personnel qui ne trouvera jamais sa cure dans le BDSM.